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1. Les prémisses du problème  :


Thomas Digges

En 1576, dans la « Parfaite description des orbes », Digges reprend le schéma héliocentrique de l’univers de Copernic  en ajoutant au-delà des sphères fixes un univers infini avec un nombre infini d’ étoiles éparpillées.

Diagramme cosmographique de Thomas Digges
Diagramme cosmographique de Thomas Digges dans la « Parfaite description des Orbes Célestes »

Il se rend compte que la non visibilité d’un nombre illimité d’étoiles lointaines pose une question à laquelle il répond en faisant remarquer que l’on ne peut voir la majorité des étoiles parce que «  la plus grande part nous reste invisible en raison de leur merveilleuse distance ». Pour lui, le ciel est noir car la plupart des étoiles distantes de la terre ont une intensité trop faible :( n’ont pas assez d’énergie) pour être observées . Cette réponse, très sensée pour l’époque, fut reprise ultérieurement par de nombreux astronomes . Il fut donc le premier historiquement à poser l’énigme de l’obscurité.

Johannes Kepler

En 1605, dans « La Nouvelles Etoiles », Kepler s’oppose à l’idée d’un univers étoilé distribué infiniment :

«….
L’astronomie peut nous enseigner, avec une certitude absolue, que la région occupée par les étoiles fixes est bornée par une limite évidente. Il n’y a rien de vrai dans l’affirmation que le monde d’ici-bas, avec son soleil à lui, diffère le moins du monde par son aspect de n’importe laquelle des étoiles fixes dans une comparaison de région à région… Car laissons-nous aller à l’hypothèse que les étoiles fixes sont distribuées jusqu’à l’infini… Tout observateur, installé sur la ceinture d’Orion, et ayant notre Soleil, (le centre de l’univers,) au-dessus de sa tête, verrait au premier coup d’œil, un océan solide, continu, d’étoiles fixes, comme si elles se touchaient les unes les autres. Ce n’est pas ainsi que le ciel nous apparaît !… Supposons que nous étudions l’espace,(sans étoiles,) à l’infini. Sans aucun doute, où que vous puissiez placer une étoiles dans cet espace, en un point donné, ce point est nécessairement à une distance finie  (et la circonférence qui passe par cette étoiles est finie…)
…. »

Dans son argumentation, Kepler montre que le nombre des étoiles doit être fini, sans quoi nous serions, dit-il, aveuglés par la clarté du ciel.

Dans « L’Astronomie Nouvelle », il s’oppose aussi à l’idée d’infinité, en utilisant l’apparence des étoiles qui paraissent toutes avoir la même taille, bien qu’ayant des éclats différents, ce qui, selon lui, est la preuve qu’elles sont toutes à peu prés à la même distance avec des luminosités intrinsèques différentes. Pour Kepler, les images apparentes des étoiles, loin d’être dues, comme on le sait aujourd’hui, aux variations de densité de l’atmosphère terrestre, est plus ou moins le reflet de la réalité, l’exacte reflet de leur diamètre réelle.

En 1610, Galilée découvre dans sa lunette un très grand nombre d’étoiles invisibles à l’œil nu, nombre beaucoup plus grand que le nombre total de celles visibles à l’œil nu, nombre beaucoup plus grand que le nombre total de celles visibles à l’oeil nu. Il déclare dans « Le Message des étoiles » qu’il existe plus de 10 00 étoiles. Kepler lui répondit sous forme de lettre puis la publie sous le titre « Conversation avec le messager céleste » :

«….
Une autre de ces très belles observations porte sur l’aspect scintillant des étoiles fixes, différent de l’aspect circulaire des planètes  qu’en conclure, Galilée, sinon que les fixes émettent une lumière propre, tandis que les planètes opaques sont éclairées de l’extérieur  ou encore, pour parler comme Bruno,  que les unes sont des soleils, et les autres des terres ou des lunes?

Pour éviter toutefois qu’il ne nous entraîne dans son opinion sur un nombre de mondes infini, un pour chaque étoile, et en tout semblable au nôtre, ta troisième observation vient à notre secours, celle d’une foule innombrable d’étoiles fixes venant s’ajouter à ce qu’on en connaît depuis l’antiquité  puisque tu n’hésites pas à affirmer qu’on en voit plus de dix mille. Plus elles sont nombreuses et serrées, plus forte est l’argumentation contre l’infinité du monde que j’ai donnée dans mon De Stella Nova , chap. 11  j’y prouve que l’endroit où nous nous trouvons, nous les hommes, avec notre Soleil et nos planètes, est la principale cavité du monde  et qu’il ne peut se faire que d’aucune étoiles au monde on voit un spectacle semblable à celui qui nous est fourni de la terre ou même du Soleil.
….»

Kepler ne peut admettre que les étoiles faibles observées par myriades par Galilée puissent être plus éloignées que celles visibles à l’œil nu. Il affirme seulement que ces étoiles faibles sont intrinsèquement moins brillantes que les autres et donc plus petites, leur grand nombre ne prouvant selon lui que le fait que la majorité des étoiles sont plus petite que notre soleil, la voûte céleste étant plus lumineuse que le soleil dans le cas contraire. Il n’a pas réalisé que la taille apparente des étoiles n’a pas d’importance mais il a formulé un argument très important : plus l’univers étoilé est vaste, plus il doit y avoir d’étoiles parsemant le ciel. L’énigme de l’obscurité était posé.

Kepler pense que le ciel nocturne est sombre simplement parce que l’univers contient trop peu d’étoiles pour le recouvrir . Le caractère fini d’un univers borné explique pourquoi le nombre d’étoiles est insuffisant.

Otto Von Guericke

En 1672, Guericke écrit dans « Les Nouvelles Expériences de Magdebourg sur le vide » :

« Bien que de nombreuses étoiles nous demeurent invisibles, nous ne devrions pas nous imaginer qu’elles n’existent pas. Une forêt ne s’arrête pas à l’endroit au-delà duquel nous ne voyons plus d’arbres, et il est probable qu’on ne verra pas briller d’autres étoiles une fois traversé le domaine stellaire rendu visible par le télescope »

Guericke croit en un cosmos étoilé fini entouré d’un vide infini, et explique que l’obscurité du ciel nocturne résulte du fait que, lorsque nous regardons entre les étoiles, nous voyons au-delà du cosmos le vide dépourvu d’étoiles. Donc, pour lui les espaces sombres séparant les étoiles révèle le vide extracosmique .

Edmund Halley

En 1692, dans la correspondance qu’Issac Newton entretenait avec le révérend Richard Bentley, Newton considére qu’un système matériel soumis à sa propre gravitation est nécessairement infini et non borné, car, s’il était fini et borné, il ne posséderait pas d’état d’équilibre et s’effondrerait sur lui-même pour former une grande masse sphérique. Cela vient du fait que l’attraction gravitationnelle exercée par un corps diminue avec la distance mais ne s’annule jamais. (Mais Newton comprit rapidement que cet univers uniformément distribué à l’infini est en équilibre instable : il suffit d’un petite perturbation sur une étoile pour que toute la matière se rassemble sous l’action de leur propre gravité en une ou plusieurs masses). La notion d’univers fini fut donc abandonné en faveur d’un univers infini, à la suite des arguments de Newton et d’autres.

En 1721, Halley rédige deux brefs articles (voir Annexe ) sur l’infini de l’univers. Halley remarque qu’un univers Newtonien infini avec une infinité d’étoiles distribuées uniformément remet ainsi à l’honneur l’énigme de l’obscurité cosmique.

Explication de l’énigme par Halley dans le cadre d’un univers infini (effet géométrique) :

Halley affirme que l’aire apparente d’une étoile et la lumière qu’on en reçoit ( luminosité) diminuent proportionnelle à l’inverse du carré de sa distance : I 1/r 2
Puis il découvre que la séparation entre deux étoiles voisines est proportionnelle à l’inverse du carré de sa distance : θ 1/r

separati

d : distance entre deux étoiles
θ : séparation de deux étoiles
r : distance des étoiles à la terre

d r. θ d'où θ 1/r



Il en déduit de manière erronée que l’aire apparente des étoiles décroissant plus rapidement que la séparation apparente explique l’obscurité de la nuit.( :effet géométrique).

En fait, il aurait fallu comparer à l’intérieur d’une couche sphérique l’aire apparente d’une étoile et l’aire apparente de leur séparation.

Aire apparente de séparation  : ≡ angle solideΩ
A: aire apparente entre deux étoiles
Ω = A/r2   1/r2

Et donc on peut remarquer qu’à l’intérieur d’une couche sphérique, la luminosité des étoiles et l’aire apparente de séparation varie en même proportion.

Halley voyant que son argument manquait de clarté propose une autre solution. Il note que puisque les étoiles très lointaines sont certainement très faibles, invisibles à l’œil (ceci, même si l’addition du flux de lumière provenant d’étoiles lointaines en nombre suffisamment grand, donne une lumière intense), on pouvait comprendre que le ciel soit noir pendant la nuit.

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