Sommaire

Edmund Halley
(1656-1742)


Premier article

SUR L'INFINI DE LA SPHÈRE DES FIXES
présenté devant la Royal Society en mars 1721, publié dans les
Philosophical Transactions (1720-1721)

   Tel que nous le comprenons aujourd'hui, le Système du Monde est censé occuper la totalité de l’Abîme de l'Espace, et être en tant que tel effectivement infini ; et l'apparence de la Sphère des Fixes, révélant toujours des étoiles de plus en plus petites à mesure qu'on y dirige des télescopes plus puissants, semble confirmer cette Conception. D'ailleurs, si le Système entier était fini, bien que n'ayant jamais cette étendue, il n'occuperait encore aucune partie de l'infinitum de l'Espace, dont l'existence est nécessaire et évidente ; ainsi ce Système serait de toutes parts entouré d'un néant infini, et les Étoiles extérieures chuteraient vers celles proches du centre, selon un mouvement accéléré, et au cours du temps fusionneraient avec elles pour former une seule et même Étoile. Et en admettant le Temps suffisant, cela serait une conséquence nécessaire. Mais si le Système entier était infini, toutes ses parties seraient pratiquement in equilibrio, et par conséquent chaque Étoile fixe, soumise à des Actions contraires, conserverait alors sa Position, ou se déplacerait durant un temps tel que, partant de cet equilibrium, elle trouverait sa position de repos ; dans ces conditions, certains penseront peut-être que l'Infini de la Sphère des Fixes n'est pas un Postulat si hasardeux.

   Mais j'oppose à cela deux Objections, qui sont de Nature Métaphysique plus que Physique. En premier lieu, cela suppose par conséquent que le nombre d'Étoiles Fixes est non seulement indéfini, mais en fait supérieur à tout Nombre fini, ce qui paraît absurde in terminis, tout Nombre étant composé d'Unités et deux Points ou Centres quelconques ne pouvant être séparés par une distance plus que finie. Mais on peut répondre à cela que ce même Argument permet de déduire l'impossibilité d'une Durée éternelle, parce qu'aucun nombre de Jours, d'Années ou de Siècles ne peut la réaliser. J'ai entendu un autre argument selon lequel, si le nombre d'Étoiles lumineuse, car ces Corps brillants seraient en nombre supérieur à celui des Secondes de Degrés contenues dans l’Aire de toute la Surface Sphérique, ce qui, me semble-t-il, est indéniable. Mais si nous supposons que toutes les Étoiles Fixes sont aussi distantes les unes des autres que la plus proche d'entre elles l'est du Soleil, c'est-à-dire si nous pouvons supposer que le Soleil est l'une d'entre elles, leurs Disques et leur Lumière, à une plus grande distance, diminueront en proportion des Carrés, et l'Espace devant les contenir augmentera dans la même proportion, de sorte que le nombre d'Étoiles pouvant être contenu dans chaque Surface Sphérique sera comme le Bicarré de leurs distances. Posant ensuite ces distances immensément grandes, étant assurés qu'elles ne peuvent être autrement, on trouvera, par un calcul évident, que lorsque la Lumière des Étoiles Fixes diminue, leurs distances entre elles diminuent dans une proportion moindre, l'une comme l'inverse des Distances, l'autre comme celui de leurs Carrés. Ajoutons à cela que les Étoiles plus distantes, et d'autres beaucoup moins lointaines, n'apparaissent pas même dans les meilleurs Télescopes du fait de leur extrême petitesse, de sorte que, bien qu'il soit vrai que certaines Étoiles aient effectivement ces positions, leurs Rayons, même aidés par n'importe quel moyen connu, ne sont pas suffisamment puissants pour affecter nos Sens; de la même manière qu'une petite Étoile fixe visible au Télescope n'est aucunement perceptible à l’oeil nu.


Deuxième article

DU NOMBRE, DE L'ORDRE ET DE LA LUMIÈRE DES ÉTOILES FIXES
Présenté devant la Royal Society en mars 1721, publié dans les
Philosophical Transactions (1720-1721)

   Lors de la dernière séance de la Société, je me suis risqué à proposer certains Arguments qui me semblaient démontrer l'Infini de la Sphère des Fixes, occupant la totalité de l’Abîme de l'Espace, le To'icav, que l'on conçoit généralement aujourd'hui comme étant nécessairement Infini ; puis je vous ai exposé ce qui peut paraître un Paradoxe fort Métaphysique, à savoir que le nombre des Étoiles Fixes doit alors être supérieur à tout Nombre fini, et que certaines d'entre elles sont séparées des autres par des distances plus que finies. Cet argument semble contenir une Contradiction, mais ce n'est pas la seule qui apparaît à ceux qui ont entrepris librement de considérer la nature de l'Infini, que les limites extrêmement étroites de l'Intelligence humaine ne peuvent peut-être pas atteindre.

   Depuis lors, j'ai attentivement examiné quelle pourrait être la conséquence de l'Hypothèse rangeant le Soleil au nombre des Étoiles Fixes, et qui attribue à toutes les autres des distances mutuelles aussi considérables que celles qui nous en séparent ; puis, par un calcul convenable, j'ai découvert à partir de cette Conjecture qu'il ne pouvait y avoir plus de 13 Points à la Surface d'une Sphère aussi distants de son Centre qu'ils le sont les uns des autres ; et je suis convaincu qu'il serait difficile de disposer treize Globes d'égales grandeurs de manière à ce qu'ils soient mutuellement en contact au Centre: car les douze angles de l'Icosaèdre sont à peine plus distants entre eux qu'ils le sont de son Centre ; autrement dit, le côté de la Base Triangulaire de ce Solide est à peine plus grand que le Demi-diamètre de la Sphère circonscrite, cela dans un rapport voisin de 21 à 20; il est ainsi manifeste que l'on peut placer un peu plus de douze Sphères égales autour d'une Sphère centrale; mais les Angles Sphériques, ou l'Inclinaison des plans de ces Figures, étant incommensurables avec les 360 degrés du Cercle, il subsistera plusieurs interstices entre certaines des Douze Sphères, mais insuffisants pour recevoir une partie quelconque de la Treizième.

   Il n'est donc pas très improbable que le nombre d'Étoiles Fixes de première magnitude soit aussi restreint, car cette grande présence de Lumière résulte de leur proximité; et que celles qui apparaissent si petites soient plus éloignées. Maintenant, il n'existe en tout que seize Étoiles Fixes que l'on peut indiscutablement considérer de magnitude égale à un ; quatre d'entre elles sont extra Zodiacum: Capella, Arcturus, Lucida Lyrae et Lucida Aquilae, vers le Nord; quatre se trouvent sur le chemin de la Lune et des Planètes: Palilicium, Cor Leonis, Spica et Cor Scorpii; et cinq se trouvent vers le Sud, visibles en Angleterre: le Pied et l'Épaule Droite d' Orion, Sirius, Procyon et Fomalhaut; en outre, trois ne se lèvent jamais au-dessus de notre Horizon: Canopus, Acharnâr et le Pied du Centaure. Mais le fait que leur nombre excède Treize peut facilement s'expliquer à partir des différentes magnitudes qui peuvent être dans les Étoiles mêmes , et peut-être certaines sont bien plus proches entre elles qu'elles ne le sont de nous, cet excès en Nombre apparaissant uniquement dans les Signes des <>Gémeaux et du Cancer. On ne peut d'ailleurs voir, à l'intérieur de 45 degrés de Longitude, soit le huitième de l'ensemble, pas moins de cinq de ces seize Étoiles Si donc l'on suppose leur nombre égal à Treize, en négligeant les Précisions à l'Egard d'une telle Irrégularité, on peut en placer quatre fois autant, soit 52, à deux fois la distance du Soleil, ce qui, dans les mêmes conditions, représenterait à peu près le nombre d'Étoiles de seconde magnitude que nous observons ; et 9 x 13, soit 117, pour celles situées à trois fois cette distance, et 100 x 13, soit 1 300 Étoiles à dix fois cette distance. Cette distance ramène peut-être la lumière des Étoiles de première magnitude à celle des Étoiles de sixième magnitude, ce qui ne correspond qu'à la centième partie de l'éclat avec lequel, à leurs distances actuelles, elles nous apparaissent. Mais si, puisque nous disposons de suffisamment d'espace, nous supposions que la Sphère s'étend jusqu'à 10 fois la dernière distance, ou 100 fois la première, le nombre d'Étoiles s'élèverait à 130 000, et elles ne nous apparaîtraient qu'avec la dix millième partie de la Lumière d'une Étoile de première magnitude, telle que nous l'observons actuellement. Cela correspond à une impulsion de Lumière si faible que l'on peut se demander si l’oeil, quel que soit l'artifice auquel il recourt, pourrait lui être sensible. Mais 100 fois la distance à laquelle nous voyons une Étoile représente encore une distance Finie ; je laisse ainsi à ceux qui se plaisent à considérer attentivement ce fait le soin d'en tirer la Conclusion.

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