Sommaire

Heinrich Olbers
(1758-1840)

La transparence de l’espace cosmique
(1823)

   LE GRAND ET LE PETIT dans l'espace ne sont en vérité que des concepts relatifs; nous pouvons concevoir des créatures pour lesquelles un grain de sable serait aussi gros que l'est pour nous la terre entière; et inversement un autre ordre des choses, dans lequel des corps dont la grandeur dépasse celle des planètes et du soleil ne seraient que ce qu'est, pour nous, le plus petit des grains de sable. Mais, justement pour cette raison, il reste naturel à l'homme de juger de la grandeur et de la petitesse d'après un module à l'origine duquel se trouve, directement ou indirectement, la grandeur de son propre corps et de son environnement immédiat comparé à lui; c'est seulement à l'aide d'un tel module que l'homme apprécie la grandeur des choses et il doit considérer avec étonnement et admiration les dimensions monstrueuses de la partie du grand tout qui se dévoile à ses yeux de plus en plus fortement armés. Déjà la distance du soleil à notre terre est si grande que l'on a cherché, pour rendre sa grandeur plus concevable, à calculer le temps qu'il faudrait à un boulet de canon pour la parcourir! Mais, en outre, chaque étoile fixe est un soleil et la plus proche de nous est située à une telle distance que, par comparaison, la distance de la terre au soleil s'évanouit presque complètement. Un grand nombre de telles étoiles fixes. de grandeurs très diverses, se montrent à notre oeil nu depuis l'éclatant Sirius jusqu'aux étoiles de sixième ou septième grandeur dont l'oeil le plus perçant ne remarque qu'à peine l'existence par la nuit la plus pure. Beaucoup de ces petites étoiles peuvent être en elles-mêmes plus petites que celles qui paraissent plus grandes; cependant la plupart ne paraissent plus petites qu'à proportion de leur éloignement et ainsi nous voyons déjà à l'oeil nu des étoiles qui sont situées de douze à quinze fois plus loin que les étoiles de première grandeur. Par le moyen des télescopes, des étoiles toujours plus nombreuses et plus petites deviennent visibles à mesure que ces instruments deviennent plus parfaits. Et notre raison doit consentir. si difficile que ce soit à l'imagination, à se représenter encore distinctement des distances et des espaces si grands que Herschel avec ses télescopes géants regardait dans le ciel des objets qui sont quinze cents fois, voire plusieurs milliers de fois plus éloignés de nous que Sirius ou Arcturus. Mais le regard perçant du maintenant défunt Herschel est-il arrivé près des bornes de univers? S'en est-il même approché sensiblement? Qui pourrait le croire ? L'espace n'est-il pas infini? Ses bornes se laissent-elles elles-mêmes penser? Est-il concevable que la toute-puissance infinie ait laissé vide cet espace infini? Je veux laisser le grand Kant parler à ma place:

   «Où s'arrêtera la création elle-même? demande Kant, Il est bien clair que, pour se ]a figurer en rapport avec la puissance de litre infini. il faut la supposer sans limite. Etendre l'espace dans lequel s'est révélée la puissance créatrice de Dieu à une sphère du rayon de la Voie lactée. ce n'est pas s'approcher plus de sa grandeur infinie que de le limiter à une sphère d'un pouce de diamètre. Tout ce qui est fini. tout ce qui a des limites et un rapport déterminé à l'unité est également loin de l'infini. Or il serait inepte de mettre la Divinité en action pour ne lui faire employer qu'une partie infinitésimale de sa puissance créatrice et de se figurer que sa force infinie, trésor véritablement inépuisable reste improductive de natures et de mondes, et se renferme dans une éternelle inactivité. N'est-il pas plus logique, ou pour mieux dire, n'est-il pas nécessaire, d'attribuer à la création l'étendue qu’il faut pour qu'elle puisse être un témoignage de cette puissance qui ne peut se mesurer avec aucune unité ? Pour cette raison, le champ de la manifestation de ces propriétés divines doit être tout aussi infini qu'elles. L'éternité ne suffit pas à englober les manifestations de l'Etre suprême, si elle n'est pas liée à l'infinité de l'espace. »

   Ainsi parle Kant , Il reste donc au plus haut point vraisemblable que ce n'est pas seulement cette partie de l'espace que notre regard, même si fortement armé, a découvert ou peut découvrir, mais l'espace infini tout entier qui est peuplé de soleils, avec leur suites de planètes et de comètes. Je dis au plus haut point vraisemblable, car la certitude notre raison bornée ne peut pas nous la donner; les autres lieux de l'espace pourraient contenir des créatures tout autres que soleils, planètes, comètes ou matière lumineuse dont, peut-être, nous ne pouvons avoir aucune notion. Halley a certes cherché à produire une preuve que l'ensemble des soleils est infini:

   «Si, dit-il, leur ensemble n'était pas infini, on trouverait dans l'espace qu'il occupe un point qui serait son centre de gravité et tous les corps de l'univers devraient tomber vers lui d'un mouvement sans cesse accéléré, et donc s'effondrer les uns sur les autres; c'est seulement parce que l'univers est infini que tout peut se maintenir et rester en équilibre,. »

   Halley a seulement pensé à la gravité et non à la force d'impulsion. Notre système planétaire lui non plus ne s'effondrerait pas sur le soleil, même s'il n'y avait pas d'étoiles fixes. même s'il existait tout à fait isolé dans l'espace cosmique; or, que les forces d'impulsion soient effectives parmi les étoiles fixes, leurs mouvements propres semblent le montrer. Cela suffira déjà à montrer l'inadéquation de la preuve de Halley. contre laquelle il y aurait par ailleurs beaucoup de choses à rappeler. Seulement. même si la preuve de Halley n'est pas valable, il reste pour nous au plus haut point vraisemblable que le bel ordre que nous percevons, aussi loin que porte notre regard s'étend aussi à l'espace infini tout entier et nous n'avons qu'à rechercher si d'autres raisons rendent cette hypothèse réfutable. Alors se présente aussitôt une très forte objection. S'il y a réellement des soleils dans tout l'espace infini, qu'ils soient séparés par des distances a peu près égales, ou répartis dans des systèmes de Voies lactées. leur ensemble est infini et alors, le ciel tout entier devrait être aussi brillant que le soleil. Car toute ligne que j'imagine tirée à partir de nos yeux rencontrera nécessairement une étoile fixe quelconque et par conséquent tout point du ciel devrait nous envoyer de la lumière stellaire, donc de la lumière solaire.

   À quel point cela contredit l'expérience, il n'est pas besoin de le dire. Halley nie la conséquence, qu'avec un ensemble infini d'étoiles fixes, le ciel tout entier devrait apparaître tout aussi brillant que le soleil. mais pour des raisons tout à fait erronées. Il mélange et confond manifestement les grandeurs apparentes et les réelles et c'est seulement ainsi qu'il peut conclure que le nombre des étoiles fixes croît certes comme le carré, mais les intervalles entre elles comme le bicarré de leur distance  or c'est tout à fait faux. Si nous supposons les étoiles fixes uniformément réparties dans l'espace cosmique, et si nous nous représentons autour de notre soleil une sphère de rayon égal à un, ou égal à la distance moyenne des étoiles de première grandeur, le diamètre de chaque étoile fixe en moyenne égale d, et si nous appelons n leur nombre à cette distance, alors elles recouvrent pour nous, une fraction nd2/4 de la sphère céleste. À la distance égale deux, le diamètre apparent des étoiles fixes est d/2, mais leur nombre est 4n et par conséquent elles couvriront encore n.d2/4 de la sphère. Donc à toutes les distances 1. 2, 3, 4, 5,.... ,m de nous, les étoiles fixes couvriront des aires égales sur la sphère et ainsi:

n.d2/4 + n.d2/4 + n.d2/4 + etc... = m.n.d2/4

devient infiniment grand quand m devient infiniment grand, car d/4, si petit soit-il est cependant une grandeur finie. Donc, non seulement toute la sphère céleste est couverte d'étoiles, mais encore elles devraient être placées les unes derrière les autres sur des rangs infinis et s'occulter les unes les autres. Et il est clair que la même conclusion vaut si les étoiles fixes ne sont pas réparties uniformément dans l'espace, mais groupées dans des systèmes isolés, séparés par de grands intervalles.

   Heureusement pour nous, la nature a arrangé les choses autrement! Heureusement pour nous, chaque point de la sphère céleste ne nous envoie pas de lumière solaire! Sans même considérer l'éclat insupportable, la chaleur dépassant toute comparaison possible (car, quand à celle-là, même si elle eût été 90 000 fois plus grande que celle que nous éprouvons maintenant, la toute-puissance créatrice aurait pu y adapter notre terre et les organisme qui s'y trouvent), je veux seulement mentionner l'astronomie tout à ait imparfaite qui serait alors restée encore possible pour nous autres habitants de la terre. Du ciel et des étoiles fixes, nous ne saurions rien; nous ne découvririons que péniblement notre propre soleil d'après ses taches; et nous ne distinguerions la lune et les planètes que comme des disques plus sombres sur le fond du ciel brillant comme le soleil; c'est-à-dire que les planètes irradiées par l'ensemble du ciel partout brillant comme le soleil apparaîtraient cependant plus sombres que le reste du ciel à proportion de leur plus ou moins grand albedo 1.

   Mais alors, devons-nous rejeter l'infinité du système des étoiles fixes, pour la raison que le ciel tout entier ne brille pas comme le soleil? Devons-nous. pour cette raison. restreindre ces systèmes à une petite place dans l'espace infini ? Aucunement. Dans l'inférence que nous avons faite, à partir de l'ensemble infini des étoiles fixes, nous avons supposé que l'espace cosmique est absolument transparent ou que la lumière consistant en rayons parallèles n'est nullement affaiblie quel que soit l’éloignement des corps rayonnants. Or, cette transparence absolue de l'espace cosmique. non seulement n’est pas du tout prouvée, mais elle aussi tout à fait invraisemblable. Quoique les planètes, si denses, ne subissent absolument aucune résistance notable dans l'espace cosmique, nous ne devons pas cependant le juger tout à fait vide. Bien des observations que nous faisons sur les comètes et leurs queues semblent indiquer quelque chose de matériel dans l'espace cosmique; la matière de la queue des comètes. qui se disperse sans cesse, et la substance de la lumière zodiacale y sont en tout cas certainement présentes. Même si d'ailleurs cet espace était entièrement vide, l’entrecroisement des rayons peut et doit provoquer une légère perte. Cela ne paraît pas seulement démontrable a priori, que l'on admette l'hypothèse de Newton, ou celle de Huygens sur la nature de la lumière  c'est aussi confirmé par la comparaison des télescopes de Gregory et de Cassegrain, et de la densité relative de la lumière en avant et en arrière du foyer des miroirs sphériques.

   Il estdonc certain que l'espace cosmique n'est pas absolument transparent. Mais il suffit d'un degré extrêmement faible de non-transparence pour anéantir totalement cette inférence fondée sur l'hypothèse d'un ensemble infini d'étoiles, mais si contraire à l'expérience, que le ciel tout entier devrait nous envoyer de la lumière solaire. Supposons, par exemple, que l'espace cosmique soit transparent à un degré tel que, de 800 rayons envoyés par Sirius, 799 parviennent jusqu'à la distance qui nous sépare de lui: alors ce très petit degré de non-transparence sera déjà plus que suffisant pour que le système des étoiles fixes s'étendant à l'infini ait pour nous l'apparence qu'il a effectivement.

   Comme de tous les points de la surface des corps lumineux des rayons, partent dans toutes les directions, nous pouvons nous représenter cette lumière comme répartie dans le détail entre des cylindres formés de rayons parallèles entre eux. La clarté du corps lumineux apparaîtra à l’oeil en rapport avec la densité de la lumière dans ces cylindres de rayons. Or, selon la loi qui détermine l'affaiblissement de la lumière dans sa propagation a travers les substances homogènes non absolument transparentes, la diminution de la densité de la lumière dans un déplacement infiniment petit est proportionnelle à la densité elle-même. Soit donc la densité de la lumière, à la distance x du corps lumineux, égale y, celle-ci s'affaiblit, dans un déplacement dx, de dy tel que:

dy = - a.y.dx

ou en intégrant,

log(y) = constante - a.x

La constante est déterminée par la condition que y = A si x = 0 et nous obtenons l’équation  :

log(y/A)=-a.x

   Alors, si log(y/A) est le logarithme naturel, a est la mesure de l'espace cosmique et 1/A la sous–tangente de la courbe logarithmique selon l’ordonnée de laquelle décroît, avec la distance, la clarté de l'objet vu. Dans les calculs relatifs au rapport A/y, nous pouvons pour log(y/A) utiliser le logarithme artificiel et nous devons seulement nous rappeler qu'alors a désigne la mesure de la non-transparence multipliée par 0,43429448…

   D'après 1’hypothèse, assurément arbitraire. indiquée ci-dessus, que la lumière d'une étoile fixe, si elle est aussi éloignée de nous que Sirius, est affaiblie jusqu’à ses 799/800es, je vais maintenant chercher a. Soit donc la distance à Sirius égale un, alors :

           log(800)  ……………………………………………….. 209030899870

           log(799)  ……………………………………………….. 209025467793

                                                                                                            _____________  

                                                                                                            a = 0.005432077

Donc log(a) = 6.7349604 - 10. On peut alors aisément calculer continent la clarté des étoiles fixes diminue avec leur éloignement. Si l'on pose pareillement A, clarté de notre soleil égale un, alors la clarté d'une étoile fixe est encore:

                              9/10 à une distance égale à 84,23 fois la distance de Sirius

                              8/10 à une distance égale à 178,40 fois la distance de Sirius

                              7/10 à une distance égale à 385,16 fois la distance de Sirius

                              6/10 à une distance égale à 408,41 fois la distance de Sirius

                              5/10 à une distance égale à 554,13 fois la distance de Sirius

   On voit donc qu'à toutes les distances auxquelles notre oeil armé peut encore discerner les étoiles fixes individuellement, la clarté ne diminue que jusqu'à ½ . Des différences aussi grandes et même plus grandes peuvent se présenter dans la clarté absolue des étoiles fixes elles-mêmes.

   Il ne faut aucunement confondre clarté et intensité lumineuse. Car l'intensité lumineuse est la clarté multipliée par la grandeur apparente; elle varie donc directement comme la clarté et inversement comme le carré de la distance; ainsi une étoile qui est 554 fois plus éloignée de nous que Sirius a sans doute encore la moitié de la clarté, mais moins de 1/610 000e de l'intensité lumineuse de Sirius.

   Or, aux grandes distances, la clarté diminue beaucoup. A la distance de 1842,9 fois celle de Sirius, elle n'est plus que 1/10e, à 3 681,8 seulement 1/100e, à 5 522,7 1/1000e, et ainsi de suite de la clarté originaire.

   À quelle distance une étoile fixe a-t-elle encore la clarté de la pleine lune, celle-ci étant posée égale à 1/300 000e de la clarté du soleil? On a:

                                               log(1/300 000 ) = -5,4771213

dont l'opposé, à son tour, a pour log(0,7385524)

                     mais log. a = ……………………………6,7349604 - 10

                                                                                         ______________

                      d'où log. x =  …………………………...4,0035920 ….

qui donne x = 10 083,05. Donc, à 10 000 fois la distance de Sirius, la clarté des étoiles fixes n'est plus égale qu'à celle de la pleine lune. Il faudrait qu'un nombre énorme d'étoiles si éloignées soient rassemblées dans un amas très dense pour que, par la nuit sans lune la plus pure, nous puissions encore, avec nos télescopes les plus parfaits, distinguer un tel amas comme une pâle tache nébuleuse.

   Notre atmosphère éclairée par la pleine lune n'a même pas pour nous 1/900 000e de la clarté de la pleine lune elle-même; elle est pourtant encore assez grande pour rendre invisible toutes les étoiles plus petites que la quatrième ou cinquième grandeur. Pour voir à quelle distance les étoiles sont encore aussi brillante que le fond de ciel par une nuit de pleine lune, prenons:

                                    Log(300 000 * 900 000) = 10,4133638

              dont le log est .............…………………………= 1,0183410

              log(a).................................................…………..= 6,7349604 -10

                                                                                                   _____________

              d’où ………….log(x)…………………………..= 4,2833806      

              qui donne           x………………………………= 19 203,5   

   Je veux maintenant calculer la clarté d'une étoile fixe trente mille fois plus distante de nous que Sirius.

                                          log(x) = 4,4771213

                                          log(a) = 6,7349604 - 10

                                         ____________________                            

                                          log(a.x) = 1,2120817

À cela correspond le nombre 16,29602
Donc, log(y/A) = - 16,29602

   C'est l'opposé du log de 19 771 000 000 millions et c'est d'autant que la clarté absolue de l'étoile fixe est affaiblie. Afin de rendre un peu plus saisissable cet énorme rapport, on peut remarquer que cette clarté que conserve encore l'étoile fixe est 65 900 millions de fois plus faible que la clarté de la pleine lune, ou 732 250 fois plus faible que la clarté du fond de ciel par une nuit sereine de pleine lune - que l'on peut en fait considérer déjà comme tout à fait sombre. Nous pouvons donc tenir pour certain qu'à ce degré supposé de transparence de l'espace cosmique, les étoiles au moins trente mille fois plus éloignées de nous que Sirius n'apportent plus aucune contribution à la clarté du fond du ciel.

   Ce fond du ciel nous paraîtrait donc tout à fait noir si notre atmosphère elle-même. simplement éclairée par les étoiles, n'avait une certaine clarté qui, même par la nuit la plus sereine, fait paraître le fond du ciel non tout à fait noir, mais seulement bleu sombre. Que le fond du ciel paraîtrait réellement tout à fait noir, sans aucune lumière perceptible, si nous n'étions pas forcés de le voir à travers notre atmosphère éclairée par la lumière stellaire. cela semble aussi résulter dans une certaine mesure de ce que nous observons de Vénus. La partie de son disque non éclairée par le soleil devient seulement de temps en temps perceptible par une lumière propre phosphorescente, donc perceptible parce qu'elle est plus claire que le reste du ciel; jamais parce qu'elle est plus sombre que le reste du ciel dont pourtant elle recouvre une partie. La partie recouverte du fond de ciel n'est donc nullement perceptible comme plus sombre que la partie découverte. Le même fait est observable sur Mars quand il n'est pas complètement éclairé. De même, ceux qui ont eu l'occasion d'observer le ciel étoilé sur les hautes montagnes le décrivent déjà comme très sombre, voire tout à l'ait noir, bien qu'ils aient encore dû le voir à travers la plus grande partie de l'atmosphère terrestre.

Je ne sais si je m'illusionne, mais il m'a souvent semble que parmi les petites étoiles fixes de même intensité lumineuse (l’intensité lumineuse étant a propement parler, comme on l'a déjà rappelé, la clarté multipliée par la grandeur apparente), certaines ont une lumière à éclats, scintillante, les autres une lumière calme, constante. Si ce n'est pas une illusion, je serais enclin à tenir les premières pour plus petites et plus proches, les autres pour plus grandes, en elles-mêmes et apparemment, mais plus éloignées: d'où résulterait que leur lumière diminuée par la non-transparence de l’espace cosmique n'aurait plus la densité requise pour la scintillation. L'hypothèse que la lumière, indépendamment de sa divergence, éprouve, en nous venant de Sirius, une diminution de 1/800e, est naturellement tout à fait arbitraire. Comme je l'ai dit, j'ai simplement eu l'intention de montrer par là que déjà une perte de lumière si petite, et même encore plus petite, serait suffisante, sur ces grandes distances, pour représenter les apparences célestes comme nous les voyons, même si l'ensemble des étoiles, à travers tout l'espace infini, est infini. Ce n'est cependant pas sans réflexion que j'ai choisi ce degré de non-transparence de l'espace cosmique, et je crois qu'il ne doit pas être extraordinairement différent de celui qui existe effectivement.

   C'est doncavec une bienveillante sagesse que la toute-puissance créatrice a rendu l'espace cosmique transparent certes à un très haut degré, mais pourtant non absolument, et ainsi borné notre vision à une région déterminée de l'espace infini: car nous sommes ainsi placés en situation d'apprendre quelque chose de la construction et l'organisation de l'univers, dont nous ne saurions que peu, si même les soleils les plus éloignés pouvaient nous envoyer leur lumière sans aucune extinction.

Sommaire